Prologue. De la naissance jusqu'à la mort. Un cri, et le silence.Quand on est le deuxième, généralement, le premier créé à notre égard cette animosité jalouse. Il craint que notre venue au sein de sa famille, de ce qu'il a créé avec son père et sa mère, va tout gâcher. Il n'est plus l'enfant roi qu'il a été jusqu'alors, et semblent partir en fumée tout l'amour que lui vouaient ses parents. Pour Edward, ma venue au monde n'a pas été facile. Sa mère, notre mère, lui a fait comprendre que désormais, il devrait apprendre à partager, et à vivre en cohabitation. Si je ne me souviens pas de ma très jeune enfance, je sais que les rares souvenirs que j'ai de mes cinq premières années sont remplies par la jalousie d'Edward à mon égard. Je suis alors incapable de réellement me souvenir si je l'appréciais, ou si même je le considérais comme mon grand-frère. Avais-je seulement intégré ce concept ? Je ne m'en souviens plus. Je sais juste que la présence de Maman était nécessaire, vitale. Car chaque jour, il fallait que je coure vers elle pour qu'elle me prenne dans ses bras, après que Edward m'eut frappé.
De ma mère, il y a ce souvenir de douceur et de chaleur humaine. Une petite flamme, dont les cheveux chatains égayaient ma vue naissante. En grandissant, je me souviens de la frustration de ne plus pouvoir vraiment retourner dans ses bras. Il semblait que le principe d'échange équivalent s'appliquât ici aussi, puisque le droit d'avoir à marcher de moi même correspondait au poids de mon corps, et à l'incapacité, dès lors, de me faire porter. Si ce sacrifice, s'il faut l'appeler comme cela, ne fut pas d'une grande souffrance, il me marqua comme tout premier enseignement lorsque je découvris l'alchimie avec Edward.
De mon père, il y avait cette présence, qui arpentait la maison. Présence masculine et charismatique, qui occupait souvent plus le bureau que la place lui étant réservée à table. Comme un tigre que l'on a placé en liberté inconditionnelle, et auquel on aurait noué une lourde chaine autour du cou. Malgré mes efforts, je suis absolument incapable de me souvenir du sourire de Hohenheim. Si Mamie Pinako a quelques photos, parfois, je me demande s'il était possible qu'un jour cet homme soit heureux avec lui. En dépit de ce que dit Edward, je pense pourtant que oui. Je ne sais pas, et peut-être que je ne saurais jamais pourquoi notre père a quitté la maison, et laissé Maman toute seule avec nous, mais je ne peux m'empêcher de croire qu'il avait forcément une bonne raison. Les parents ne laissent pas les enfants seuls sans une bonne raison. Comme ceux de Winry, par exemple.
Mon histoire, je le suppose, doit commencer à partir du moment où je suis capable de me souvenir en tant que moi-même. Où je suis capable de comprendre que j'existe. Alors, à partir de ce moment là, je suis vraiment quelqu'un, et j'ai vraiment une histoire.
« Edward ! Edward ! »
Mes cris résonnèrent dans la maison. Maman était partie acheter des tomates à l'épicier, et comme notre maison, quoique située près de celle des Rockbells, était plutôt éloignée du reste du village, nous savions tous les deux que nous avions une bonne heure de libertée devant nous. Edward avait neuf ans, j'en avais huit, et nous considérions que c'était suffisant pour pénétrer dans le bureau de notre père. Ce dernier, jamais verrouillé depuis le départ de ce dernier. Si cette pièce nous avait longtemps intrigué, de par son interdiction d'y entrer, Edward et moi y pénétrions aujourd'hui pour la première fois. Cela faisait quelques minutes à peine que nous découvrions l'antre pleine de secret de Papa. Quelques minutes à peine, et paniqué, j'avais assisté à la lamentable chute d'Edward ayant voulu défier l'équilibre d'une pile de livre, posé sur une chaise bancale, qu'il avait escaladé pour essayer d'atteindre un livre situé trop haut pour lui sur une étagère. Non seulement il était tombé dans un fracas assourdissant, mais en plus, l'étagère était tombé avec lui. Paniqué, donc, je me précipitais sur le tas informe de livre, pour essayer d'extirper mon frère de là. Et s'il s'était blessé ? Que devrais-je dire à Maman ? Nous n'avions pas le droit d'entrer ici ! Au bord des larmes, ce fut un soulagement profond que d'entendre les cris furieux de mon frère résonner quelque part en profondeur, quand je dégageais les livres. En quelques secondes, je le dénichais, la joue meurtrie, et l'amour propre en miette. Haineux, il pesta une seconde contre la chaise coupable de l'accident, puis soupirant, se tourna vers moi, et un air désolé se peint dans ses prunelles dorées.
« Excuse-moi, Al. Je ferais plus attention, la prochaine fois...
Edward... je ne pense pas que ce soit une très bonne idée... Maman ne veut pas que nous rentrions ici !
Et alors ? Moi je pense que Papa avait des secrets ! Et j'ai bien envie de découvrir ce que... Al ! Regarde ça ! J'étais sûr de l'avoir vu ! »
Edward, l'air euphorique, désignait un livre ouvert, à côté de lui, sur deux pages representant un cercle dans lequel était enfermé un pentagone aux côtelés ciselés par des lettres à l'alphabet inconnu. Je l'observais une seconde, sans vraiment comprendre, tandis qu'Edward, frénétique, se relevait, en récupérant le livre, pour me tourner le dos, et désigner alors un large parchemin accroché au mur. Posant le regard dessus, je reconnaissais exactement la même forme que celle imprimée dans le livre.
Ed ? Qu'est-ce que c'est ?
Cercle de... trans...mu...ta...tion, déchiffra minutieusement Edward, le nez plongé au dessus de la légende de l'image qu'il venait de remarquer. … et... ça sert à transmuter... c'est quoi transmuter ?
Comment veux-tu que je le sache ? Me plaignis-je, en venant me placer à ses côtés, pour essayer de lire moi aussi ce qui était inscrit sur la page.
L'attention d'Edward, cependant, s'était dissipée du cercle, et son regard voletait maintenant partout dans la pièce.
Al ! Essaie de trouver s'il y a d'autres livres avec marqué « transmutation », dedans !
Il nous fallut moins d'une semaine pour comprendre le concept d'alchimie. Edward y mit énormément du sien, et fasciné, il me contamina de par son enthousiasme.